Soyons franches : il y a des moments où nous avons l’impression d’être spectatrices de notre propre vie. Comme si quelqu’un d’autre décidait à notre place de nos réactions, de nos colères et même de nos angoisses.
Quelques exemples (qui parleront sûrement à plus d’une) :
- Votre collègue vous demande un service de dernière minute. Et, comme d’habitude, vous dites « oui »… alors que tout votre être crie « non ».
- Votre enfant oublie (encore) de ranger sa chambre, et vous sentez monter une colère volcanique, disproportionnée, mais impossible à contenir.
- Votre partenaire tarde à répondre à vos messages… et voilà que l’angoisse monte, les larmes suivent, et vous vous sentez ballotée par un tsunami intérieur.
Ces situations montrent une chose : notre caractère — c’est-à-dire nos réactions automatiques, celles qui reviennent encore et encore — prend souvent le dessus sur notre volonté profonde. Résultat : on se sent prisonnière d’un schéma répétitif.
Le caractère : pilote automatique ou véritable vous ?
Le caractère, ce n’est pas la personne que vous êtes au fond. C’est plutôt un système de réflexes, forgé par l’habitude et la répétition. Comme un vieux programme informatique qui se lance automatiquement dès qu’une émotion apparaît.
Et vous l’avez peut-être déjà remarqué : face à certaines situations, vos réactions sont toujours les mêmes. Comme un disque rayé, vous rejouez la même partition, que vous le vouliez ou non.
Alors la vraie question est : pourquoi est-ce ce « pilote automatique » qui dirige nos réactions… plutôt que notre personnalité authentique ?
Alors la vraie question est : pourquoi est-ce ce « pilote automatique » qui dirige nos réactions… plutôt que notre personnalité authentique ?
Ce qui se joue dans notre cerveau
Lorsqu’une émotion arrive, elle commence toujours par se manifester dans le corps : un poids dans la poitrine, une boule dans la gorge, les épaules qui se contractent. Ensuite, le cerveau analyse cette sensation à vitesse grand V et enclenche l’un de ses scénarios préférés : fuir, attaquer, perdre pied… ou tenter de reprendre le contrôle.
Le souci ? Nous ne choisissons pas vraiment : nous réagissons sur la base de ce qui nous semble le plus « confortable » sur le moment. En clair : notre cerveau nous pousse à répéter nos automatismes.
Et si nous laissions l’émotion vivre sa vie ?
Il existe une autre manière de faire. Plutôt que d’essayer de contrôler, repousser ou rationaliser l’émotion, pourquoi ne pas simplement… la laisser se dérouler ?
Imaginez : une émotion surgit, vous sentez une tension dans le ventre, une chaleur dans la poitrine. Plutôt que de serrer les dents, respirer de force ou chercher à penser à autre chose, vous vous arrêtez. Vous laissez ces sensations évoluer, circuler, puis s’apaiser naturellement.
Un peu comme une vague qui vous traverse. Si vous ne lui opposez pas de résistance, elle finit toujours par se calmer d’elle-même.
Petite astuce pratique : pour ne pas être distraite, fermez les yeux quelques instants. Cela vous aidera à vous connecter uniquement à vos ressentis physiques.
Si ce sujet vous intrigue, je vous invite à découvrir la conférence passionnante de Luc Nicon, qui a mis en lumière ce mécanisme de régulation émotionnelle :

Un bénéfice immense (et durable)
Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’une émotion qui est vécue jusqu’au bout… ne revient pas. Elle termine son cycle et s’éteint. Résultat : la situation qui déclenchait votre réaction automatique ne vous atteindra plus de la même manière.
Votre collègue pourra demander un service, et vous saurez répondre calmement selon vos envies réelles. Votre enfant laissera traîner ses affaires, mais vous réagirez avec distance ou humour, plutôt qu’avec fureur. Votre partenaire ne répondra pas tout de suite ? Vous saurez patienter sans tomber dans l’angoisse.
Ce n’est pas de la magie, c’est simplement le pouvoir d’une régulation émotionnelle naturelle.
Mise en pratique : un petit scénario
Prenons un cas concret : votre collègue vous demande encore de la remplacer. Normalement, vous auriez dit « oui » machinalement. Cette fois-ci, vous prenez quelques secondes. Vous sentez la crispation dans vos épaules, peut-être une chaleur désagréable dans la poitrine. Vous laissez ces sensations évoluer, se déplacer, puis s’apaiser.
Et là, seulement après, vous répondez. Non pas depuis un réflexe conditionné, mais depuis un espace clair et aligné. Vous pouvez dire « oui » en conscience… ou « non » avec fermeté. Mais ce sera vous qui choisirez, pas votre caractère.
Les enfants, ces petits experts de l’émotion
Fait intéressant : les enfants sont bien plus rapides que nous à intégrer cette manière de faire. Ils n’ont pas encore empilé des années de réflexes, de conditionnements et de « il faut » et « je dois ». Ils savent instinctivement laisser passer leurs émotions, même si cela nous agace parfois (les fameuses colères express qui disparaissent aussitôt).
Si vous voulez approfondir le sujet et même apprendre à vos enfants à gérer leurs émotions, je vous recommande un livre pensé spécialement pour eux :
Sur le long terme : une vie plus libre
À force de pratiquer cette approche, quelque chose change profondément. Vos réactions deviennent moins automatiques. Vous êtes moins prisonnière de la colère, de l’angoisse ou de la culpabilité. Votre caractère — celui qui répétait toujours la même réaction — s’adoucit, et laisse la place à votre personnalité véritable.
Vous gagnez en liberté, en authenticité, et vos relations deviennent plus simples, plus saines.
Conclusion : nos émotions, ennemies ou alliées ?
Finalement, nos émotions ne sont pas là pour nous saboter. Elles sont comme des messagères : elles nous indiquent ce qui se passe en nous. Le problème, c’est que nous avons appris à les redouter ou à les réprimer.
Mais si nous les laissons simplement suivre leur cours, elles cessent de dicter nos comportements. Alors, la prochaine fois qu’une émotion monte, essayez : faites-lui une place, laissez-la évoluer… et constatez la différence.
Peut-être découvrirez-vous qu’au lieu de « subir » votre vie, vous commencez enfin à la vivre pleinement, avec un peu plus de légèreté, de liberté et même d’humour. Parce qu’après tout, si la vie est une pièce de théâtre, autant choisir d’en être l’actrice principale plutôt que la figurante qui subit le scénario.